Panorama des jurisprudences de mars 2011

Dans cet article, une présentation des jurisprudences sélectionnées pour l'intérêt présenté pour les employeurs du sport.

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LA PREUVE D'UNE INEGALITE DE TRAITEMENT N'IMPLIQUE PAS TOUJOURS UNE COMPARAISON

Le principe d'égalité de traitement est sans cesse retravaillé par la jurisprudence, qui en affine les contours et en allonge la portée.
Proche intuitivement de la discrimination, l'inégalité de traitement n'en produit toutefois pas les mêmes effets et n'obéit pas non plus au même régime.

Précisément, la jurisprudence admet traditionnellement que la preuve de la discrimination ne nécessite pas de comparaison, tandis que l’essence de l’inégalité de traitement réside dans la comparaison de deux personnes placées dans une même situation.

Dans un arrêt du 23 mars dernier (Soc. n°09-42.666), la Cour de cassation décide dans une espèce où l’inégalité de traitement ressort des termes mêmes d’un accord collectif, que le salarié qui l’invoque n’a pas nécessairement à fournir au juge des éléments de comparaison avec d’autres membres du personnel.
En l’espèce, il s’agissait d’un accord de transposition servant à déterminer les correspondances en termes de classification entre l’ancienne convention collective applicable et la nouvelle, pour les salariés déjà présents.
 

 L’ATTEINTE D’UNE LIMITE D’AGE NE JUSTIFIE PAS EN SOI LA MISE A LA RETRAITE

L’âge légal de mise à la retraite en France, c’est-à-dire l’âge à partir duquel l’employeur peut demander au salarié de liquider sa pension même sans son accord, est fixé à 70 ans. Entre 65 et 70 ans la mise à la retraite suppose en revanche l’accord du salarié. La directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 sur l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail dispose que les Etats membres peuvent prévoir que des différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un objectif légitime et que les moyens pour réaliser cet objectif sont appropriés et nécessaires. Ce texte a été repris par la loi et codifié à l’article L. 1133-1 du Code du travail.

Dans un arrêt du 16 février 2011 (n° 09-72.061) concernant le personnel de la SNCF (dont les statuts prévoient un âge de mise à la retraite d’office des salariés à 55 ans), la Cour de cassation valide le raisonnement selon lequel, si les dispositions statutaires de l’entreprise autorisant les mises à la retraite d’office des salariés à un certain âge ne sont pas en elles-mêmes discriminatoires, il appartient aux juges du fond de vérifier que la décision individuelle de l’employeur de mettre à la retraite d’office un agent obéit aux conditions de l’article L. 1133-1 du Code du travail, à savoir vérifier si elle est justifiée et nécessaire.

Bien que les deux arrêts du 16 février 2011 (relatifs l’un à la SNCF et l’autre à RTE) aient été rendus à propos de deux entreprises publiques, ces solutions peuvent être étendues aux entreprises du secteur privé dès lors que la directive a une portée générale et ne distingue pas entre les deux secteurs d’activité.

Par ailleurs, à supposer qu’un système légal ou conventionnel de mise à la retraite soit jugé non discriminatoire en raison de la poursuite d’un objectif légitime, la décision de l’employeur devra également être justifiée par un motif légitime et non par le seul fait que le salarié a atteint l’âge déterminé. A ce sujet le Conseil constitutionnel s’est récemment prononcé en faveur de la conformité à la Constitution du dispositif de mise à la retraite à 70 ans. Toutefois, cette décision ne met pas à l’abri le dispositif, d’une part d’un contrôle de conventionnalité (sur le terrain de la conformité avec le droit communautaire), et ne permet pas d’écarter la nécessité d’une justification de la décision de mise à la retraite pour chaque salarié individuellement.

Il ressort donc de ces décisions que l’atteinte d’une limite d’âge ne suffit pas, en soi, à justifier une limite d’âge et qu’il convient à l’employeur de motiver sa décision lorsqu’il met à la retraite un salarié sans son accord.


 LA PRIVATION DU SALARIE DE SON JOUR DE REPOS DOMINICAL EST UNE MODIFICATION DE SON CONTRAT DE TRAVAIL

Avec cet arrêt du 2 mars 2011 (n° 09-43.223), la Cour de cassation se prononce sur le régime juridique à appliquer en cas d’aménagement des horaires d’un salarié lorsque la nouvelle répartition hebdomadaire du travail prévoit que le salarié travaillera désormais le dimanche. Cet arrêt revient sur une décision de 2006 qui affirmait que pour les entreprises bénéficiant d’une dérogation permanente de droit au repos dominical, cette nouvelle répartition ne constituait qu’un simple changement des conditions de travail du salarié relevant du pouvoir de direction de l’employeur (comme c’est le cas en principe pour les changements d’horaire).

La question est donc de savoir si un employeur peut modifier les horaires de travail d’un salarié travaillant dans un établissement bénéficiant d’une dérogation permanente au repos dominical, en le faisant travailler le dimanche, sans avoir obtenu son accord.

La Haute juridiction se place dans le prolongement de sa jurisprudence selon laquelle certains changements d’horaires emportent une modification du contrat de travail lorsqu’ils constituent un véritable bouleversement de l’horaire de travail. Et ce malgré la circonstance que l’entreprise bénéficie, au titre de son secteur d’activité, d’une dérogation de droit. Dès lors, c’est le régime de la modification du contrat de travail qui s’applique, et un tel aménagement de l’horaire nécessite l’accord exprès du salarié faute de quoi l’employeur ne pourra que licencier le salarié en lui versant les indemnités y afférentes. Un licenciement disciplinaire serait sans cause réelle et sérieuse.

Cette décision est justifiée par les objectifs que sont la préservation de la santé et de la sécurité des travailleurs mais également par la protection de la vie familiale.

En ce qui concerne la branche sport, la CCNS prévoit déjà, eu égard aux particularités du secteur, une possibilité de déroger au repos dominical en attribuant un autre jour de repos hebdomadaire au salarié (sous certaines conditions). L’article 5.1.4.2 CCNS prévoit que cette modalité doit obligatoirement figurer dans le contrat de travail. Dès lors, un aménagement du temps de travail d’un salarié, qui l’amènerait à travailler le dimanche, serait subordonné à l’acceptation du salarié.

Cette jurisprudence vient donc conforter les dispositions de la CCNS.


 L’HUISSIER ET LA PROCEDURE DE LICENCIEMENT

Dans une affaire que la Cour de cassation a eu à juger récemment (Soc. 30/03/2011, n°09-71.412), il était question de la participation d’un huissier de justice à une procédure de licenciement. Dans un premier temps, l’huissier de justice avait été sollicité par l’employeur pour remettre au salarié la convocation à l’entretien préalable au licenciement. Dans un second temps, l’huissier de justice avait assisté à l’entretien préalable à la demande de l’employeur et en avait dressé le procès-verbal.

Sur le premier point, la chambre sociale, dans la lignée de sa jurisprudence récente (admission de la convocation à l’entretien préalable par Chronopost), a estimé que la remise de la convocation par voie d’huissier de justice ne constituait pas une irrégularité de la procédure, tant que la date de la remise de la convocation pouvait être fixée de manière certaine.

Sur le second point, en revanche, la Cour n’admet pas l’intervention de l’huissier de justice, rappelant au visa de l’article L. 1232-4 du Code du travail que, lors de l’entretien préalable, l’employeur ne peut être accompagné que d’une personne appartenant au personnel de l’entreprise. Elle refuse ainsi l’argument de l’employeur qui tendait à dire que l’huissier ne l’avait pas assisté.


 RESPONSABILITE DE L’EMPLOYEUR EN CAS DE HARCELEMENT DU FAIT D’UN TIERS

Par un arrêt du 1er mars 2011 (Soc. n°09-69.616), la chambre sociale de la Cour de cassation pose expressément le principe selon lequel « l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, notamment en matière de harcèlement moral et que l’absence de faute de sa part ne peut l’exonérer de sa responsabilité ; qu’il doit également répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés ».

L’arrêt reconnaît en l’occurrence la responsabilité de l’employeur pour des faits commis par un prestataire chargé de mettre en place de nouveaux outils de gestion et de former la responsable du restaurant et son équipe, estimant que celui-ci exerçait une autorité de fait sur les salariés.

Cet arrêt nous amène à nous interroger sur la transposition de cette solution dans le cas de la mise à disposition de salariés, situation fréquente dans le sport. Il nous paraît très vraisemblable que la responsabilité de l’employeur mettant son salarié à disposition d’une structure utilisatrice pourrait être tenu responsable du harcèlement moral commis par un membre de cette dernière.
 

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